Parce que vous le valez bien.
Rappelez-vous le premier confinement, il y a un an. Pénurie de farine mais aussi de papier toilette. Nous étions au bout du rouleau. Comment occuper nos enfants sans ce Graal des appartements en zone urbaine que représente ce bout de carton ? Nous en avons loué les vertus créatives, l’avons coupé en série, peint à toutes les sauces afin de stimuler le cerveau des plus jeunes et de les tenir éloigné·e·s des écrans le plus longtemps possible et ainsi ne pas passer pour des parents indignes. Jusqu’à tourner en rond. Jusqu’à les avoir en horreur, ces bouts de carton, et se demander si partout dans le monde, on passait son temps à construire des lustres en rouleaux de papier toilette et autres bateaux soi-disant flottant.
On pensait cet épisode derrière nous... On avait prévu maintes activités avec d’autres supports recyclés pour les confinements suivants. On s’était juré qu’on ne nous surprendrait plus à devoir user des commodités pour stimuler l’imaginaire de la communauté.
Pourtant, rien n’est venu détrôner le papier toilette et son rouleau superstar malgré les offensives marketing et leurs offres biodégradables à jeter au fond des toilettes. Pour preuve, la demande expresse des enfants revenant de l’école à la veille de ces dernières vacances : « Pour la rentrée, il faut qu’on amène des rouleaux de papier pour les activités artistiques ».
Cette requête jusqu’alors anodine est devenu en quelque sorte « l’allégorie de la cuvette ».
Ce cycle de vie du papier toilette et l’usage de ce fameux rouleau doivent en effet nous éclairer sur notre incapacité à croire en la créativité de nos enfants, en sa valeur autre qu’affective, et sur le peu de considération que nous accordons aux facultés inventives et de fabrication que les jeunes générations peuvent développer lorsqu’on leur en offre les occasions en renonçant à mettre dans leurs mains autre chose que la fin de la fin.
Certes la dimension économique de ce rouleau et son accessibilité en font un matériau évidemment incontournable et prédestiné aux enfants. « Ça ne coûte rien, ça ne craint rien ». D’autant qu’en le transformant, on se dit qu’on les sensibilise à la question des déchets, à la nécessité de les réduire mais aussi on montre comment les valoriser et qu’avec rien, on peut faire pas mal de choses. On se rêve alors en alchimiste de Jodorowsky à pouvoir changer en or le plus vil mais nécessaire besoin de l’humain.
Pourtant, ne faut-il pas s’interroger sur la longévité des œuvres aussi créées ? N’ont-elles pas une durée d’attractivité aussi courte qu’un jeu à monter en plastique caché dans un œuf chocolaté. Vite oublié après la crise de frustration passée ?
Cette perte d’intérêt n’aurait-elle pas à voir avec le peu de temps consacré à la création elle-même - le format de l’atelier occupationnel prévalant de nos jours - mais aussi à son caractère banal ? Si l’on croule sous les rouleaux de papier toilette, cueillis en « local », comment redorer le blason de ce carton dépourvu de mystère, comment en faire une promesse ?
Mettre entre les mains des enfants encore et encore un tel support pour éveiller leur créativité, qui ne coûte rien, donc qui n’engage à rien, comment cela peut-il être stimulant pour eux·elles ? Combien de fois, auront-ils à réinventer ce rouleau au long de leur scolarité, de 3 ans à 8 ans en moyenne ? Des dizaines de fois, certainement. Ne leur demandez pas alors de réinventer la roue à chaque fois, vous-même, vous n’y parviendrez pas.
L’idée ici n’est pas de conspuer ce rouleau définitivement mais d’offrir de nouvelles alternatives aux enfants et ainsi dépasser la phase scatologique qui ne fait que trop durer et dans laquelle, en ces temps incertains, on se sent englouti·e. De mettre dans leurs mains d’autres matériaux tout aussi récupérés et tout aussi à portée de main mais avec davantage de stimuli et de paillettes afin d’égayer leur horizon et de leur donner le goût d’autre chose. Quid de la boîte à boutons par exemple oubliée dans un placard, et des chaussettes esseulées ? Quid des bijoux de pacotille dépareillés, des lacets emmêlés, des taies d’oreiller mal taillées ou encore des foulards de mamie démodés ?
Vos tiroirs, armoires regorgent d’intérêt pour des yeux neufs. Leur ouvrir les portes sera une occasion en or aussi pour vous de redécouvrir des trésors déchus, de trier, de donner, de réveiller votre propre inventivité au contact de celles des enfants et surtout de s’amuser ensemble.
Croyez-nous, on n’a jamais entendu des « Wouah ! » en présentant des rouleaux de papier toilettes à des enfants et en leur proposant de les peindre. En revanche, présentez-leur une boîte à chaussures remplie de boutons et/ou de bouts de tissus, on vous garantit une après-midi réussie où on en oublierait presque la pause pipi.
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